Son histoire: Hugo Chavez, entre président populaire et dictateur populisteIl avait inventé le « bolivarisme » mélange de nationalisme militaire et de communisme militant. Après 14 ans passés à la tête de son pays (1998-2013), Hugo Chavez un personnage hors norme.
Chavez avait choisi les voix des urnes après la voie des armes. Pendant quatorze ans à la présidence de son pays, il a résisté à toutes les tentatives de coup d’Etat et aux coups de boutoirs venus de l’extérieur ou de l’intérieur. Hugo Chavez a abdiqué à 58 ans devant la maladie après deux ans et demi d’une lente agonie, parsemée de courtes guérisons et de réapparitions spectaculaires.
L’homme était hors norme, le dirigeant politique inclassable. L’émotion et les rassemblements hier soir dans ce grand pays de 30 millions d’habitants témoignent de cette popularité.
Enfance modeste
Son père faisait de la politique. Son arrière-grand-père la révolution. Né en 1954 dans un village au pied de la cordillère des Andes, Hugo Chavez de Fria a grandi avec ses six frères et sœurs dans une famille d’instituteurs ruinés par les confiscations de terre lié à l’activisme de cet aïeul. Dans son autobiographie, il revendique des ancêtres juifs séfarades, indiens d’Amazonie, esclaves africains, ouvriers agricoles andalous, ce qui en fait une incarnation du métissage vénézuélien.
Hugo grandit dans une maison au toit de chaume et au sol en terre battue, celle de sa grand-mère. Enfant de chœur et premier de la classe, il ne se destine pourtant ni à la prêtrise comme le souhaite sa mère ni à l’université vers laquelle le pousse son père. Hugo préfère le chant, la pêche, la lecture. Il s’intéresse à la politique grâce à deux copains de collèges, fils jumeaux d’un leader communiste, mais il pense, vit et rêve de base-ball. Il s’engage dans l’armée à 17 ans pour jouer dans un des clubs militaires.
Orateur hors pair
Plus brillant en cours que sur le terrain, il est admis à l’académie des cadets. Il est de tous les voyages et se découvre des modèles : le président du Panama Torrijos qui nationalise le canal, les leaders socialistes péruviens, des paysans rebelles, des écrivains marxistes.
Chavez adopte et adapte ce mélange de nationalisme et de socialisme pour nourrir dès 1982 son projet socialiste inspiré de Simon Bolivar, figure emblématique de l’indépendance acquise contre les Espagnols. Il remplace les conquistadors par un autre occupant : les Etats-Unis.
Accédant très vite au grade de lieutenant-colonel, il s’attire la sympathie de sous-officiers et de soldats provinciaux comme lui, agacés par l’attitude condescendante des officiers de grandes familles de Caracas.
En 1992, le lieutenant-colonel tente un coup d’Etat contre le président Carlos Andrés Pérez, qui le jette en prison pour deux ans. Erreur majeure : cette condamnation le rend célèbre et populaire dans le pays profond et les banlieues pauvres. A sa sortie en 1994, il entre en politique en fondant le Mouvement Cinquième République. « Je serai le héros des pauvres contre le fléau de l’oligarchie » proclame-t-il, vêtu d’une chemise militaire et coiffé d’un béret rouge guevariste.
La gauche trouve enfin un leader capable de haranguer la foule. Il flatte le sentiment national en provoquant pays voisins et grand frère américain, dénonce les 100 familles de Caracas, déclame des passages entiers de romans de Victor Hugo, décline des programmes sociaux et éducatifs.
Dictateur élu et réélu démocratiquement
Il remporte haut la main (56 %) les élections de 1998 et tient ses promesses auprès des couches populaires grâce à la manne pétrolière et à un comportement exemplaire. Il travaille dur, vit modestement, se montre exigeant envers ses ministres, remplace les dynasties bourgeoises dans la haute administration.
Très vite, il personnalise le pouvoir. Il dissout l’assemblée et obtient une chambre composée à 94 % de ses partisans, se fait réélire en 2000.
En 2002, pressentant sa réélection inévitable, une alliance de civils, de militaires, de patrons de journaux, de cadres du pétrole tentent un coup d’Etat. Chavez est chassé du palais présidentiel pendant 48 heures. Mais la base de l’armée et de la police reste fidèle à Chavez. La rue aussi. Le putsch échoue.
En 2004, « el Comandante » résiste encore à un référendum de révocation. Washington grimace, Chavez s’exhibe avec Fidel Castro et Diego Maradona, vante les dirigeants chinois et iraniens. Réélu en 2006 pour la deuxième fois, il se déclare leader mondial de l’anti-impérialisme. Il veut exporter son modèle à tout le continent et y réussit en finançant les partis de gauche des autres pays avec son ami Poutine. Au Venezuela, il « encadre » la liberté de la presse, nomme ses partisans à la tête des tribunaux, instaure le « socialisme » dans la constitution. Les défections se multiplient au gouvernement et dans l’armée, les communistes quittent la coalition. L’administration Bush met le paquet pour aider l’opposition. Le parti de Chavez perd les élections locales, un nouveau référendum. Mais l’opposition échoue à se fédérer.
La maladie le rattrape à la fin de l’année 2010. « Elle m’a été injectée par mes ennemis : les impérialistes », accuse-t-il. Opéré à Caracas puis à Cuba, il disparaît et réapparaît, flanqué de sa deuxième épouse et de deux de ses quatre enfants pour la campagne électorale en 2012. Il est réélu, puis la maladie finit par l’emporter. Le vice-président Nicolas Maduro, fidèle de la première heure, lui succède.